Quelque chose de bon
Vincent Van Gogh - Paris 17 09 1875
"Le sentiment, même un sentiment pur, délicat, pour les beautés de la nature n'est pas la même chose que le sentiment religieux, bien que je pense qu'il y a entre eux une sorte d'intelligence."
12 06 1877
"Ce matin à cinq heures moins le quart un violent orage a éclaté ici. Peu après sous une pluie battante le premier flot des ouvriers est arrivé à l'entrée du chantier. Je me suis levé, je suis allé sur le quai, emportant quelques textes dans le pavillon et là, j'ai lu et regardé le quai, le chantier, le bassin. Les peupliers, les sureaux et les autres arbustes ployaient sous le vent, la pluie crépitait sur les piles de bois, sur le pont des bateaux ; des chaloupes et un petit vapeur allaient et venaient ; au loin près du village, de l'autre coté de l'Ij, on voyait les voiles brunes glisser rapidement, les maisons, les arbres du Buitenkant, les églises, tout cela plus haut en couleur. A chaque instant le tonnerre grondait, les éclairs s'illuminaient, le ciel était comme sur un tableau de Ruysdael, les mouettes rasaient l'eau.
Spectacle grandiose et un vrai réconfort, après la chaleur accablante d'hier."
Amsterdam - 03 08 1877
"Ce matin je me suis levé tôt. Il avait beaucoup plu pendant la nuit, mais de très bonne heure, le soleil a percé les nuages ; le sol, les piles de bois, les madriers sur le chantier, étaient trempés d'eau ; dans les flaques, le ciel se reflétait tout en or, car le soleil se levait. A cinq heures, des centaines d'ouvriers, petites silhouettes noires, se sont répandues partout."
04 12 1877
J'ai eu aujourd'hui sous les yeux pendant que j'étais au travail une feuille du cours de Bargue 1ere partie n°39, Anne de Bretagne. Cette planche était déjà accrochée dans ma chambre à Londres et je trouvais cela bel et bon, je le trouve encore bel et bon aujourd'hui. L'expression du visage de l'Anne de Bretagne en question est toute de noblesse. Elle fait penser à la mer, à des côtes rocheuses. J'aimerais bien connaître son histoire. C'est une vraie fille de roi."
09 12 1877
"Quand on regarde les autres, qui ont fait plus et mieux que nous, on en vient vite à détester sa propre vie de ne pas être à la hauteur de celle d'autrui.
La plupart de ceux qui sont devenus quelque chose de très bien ont passé par cette période de préparation longue et difficile, qui figure le roc sur lequel leur maison est bâtie."
03 03 1878
"L'oncle m'a dit que Daubigny est mort. Cela m'a fait de la peine comme lorsque j'ai appris la mort de Brion. Car l'oeuvre de ces gens là quand on la comprend vous touche plus profondément que l'on ne s'en rend compte soi même. Ce doit être une bonne chose d'avoir conscience en mourant d'avoir fait des choses vraiment bonnes, de savoir que grâce à cela, on restera vivant dans la mémoire au moins de quelques-uns, et de laisser un bon exemple à ceux qui nous suivent."
09 01 1878
"CM m'a demandé aujourd'hui si je ne trouvais pas très belle la "Phryné" de Gérome. Il m'a ensuite demandé si je n'éprouverais aucun sentiment pour une femme ou pour une jeune fille qui serait jolie. J'ai dit que j'aurais plus de sentiment, que je préfèrerais avoir affaire avec une qui est laide, ou vieille, ou pauvre, ou qui serait malheureuse de l'une ou l'autre façon, une à qui l'expérience de la vie ou les chagrins auraient donné la raison et une âme.
03 04 1878
"Il faut que je devienne un bon prédicateur, un homme qui ait quelque chose à dire qui soit bon, quelque chose qui puisse être utile dans le monde...
... si l'on ne dit que peu de mots, mais qui aient un sens, on fait mieux qu'en en disant beaucoup qui ne seraient que des sons vides."