(Extrait) Feutre sur bristol - découpé et collé sur feuille blanche
Voici un morceau du tableau en cours de réalisation qui va être d'une assez grande taille au final. J'ai envie de faire des choses plus grandes en ce moment. "MosaÏquetterie" pour mosaÏque et marquetterie, on l'aura compris. J'utilise toujours des fiches bristol de 10 x15 cm. Je trouve ce format pratique parce que je dessine uniquement sur mes genoux. Cette fois j'ai pris un bristol quadrillé. Je voulais dessiner des motifs géométriques et répétitifs. Je suis partie sur l'envie de faire un pavage. Avec une envie de couleurs bois. Le premier dessin réalisé est un motif de cubes imbriqués à la perspective truquée que je dessinais (déjà !) tout le temps sur le quadrillage de mes cahiers quand j'étais collégienne.
Je reste sur le principe de morcellement/découpage/réassemblage/imbrication/espace plein. Ce n'est pas forcément volontaire. Disons que c'est ce qui se produit en ce moment. Construction/destruction/réparation/évolution/reformation. La vie quoi...
Pas de vision précise du projet. Je commence à dessiner les formes au feutre noir. Ensuite je les colorie au feutre. Vient ce qui vient. Au début c'était des pavages réguliers et puis des motifs plus libres sont apparus. Je dessine fiche par fiche. Je les découpe au fur et à mesure et met les morceaux de coté. Quand plusieurs fiches ont été dessinées et morcelées ainsi j'ai pris une grande feuille à dessin que j'ai entrepris de recouvrir en joignant les morceaux avec toujours le même espacement et des lignes droites. Quand c'est nécessaire je rédécoupe les morceaux pour qu'ils s'intègrent à l'ensemble et emplissent les vides. Comme une vraie marquetterie.
Je me donne ainsi certaines contraintes mais en même temps une totale liberté de faire ce qui me vient à l'esprit. La tête le plus vide possible de tout jugement sur ce que je fais. C'est juste un jeu. Peu importe le résultat final, seul compte le processus.
Je vais, sans savoir où le chemin me mène. L'assemblage des morceaux se fait dans un souci d'équilibre et toujours de composition adéquate. Je sais quand un morceau est à sa place où quand il n'y est pas. Sans avoir de principe conducteur. Je positionne, je déplace. Je repose une pièce, j'en prends une autre. Parfois cela va vite, parfois cela prend du temps.
J'ai hésité sur la couleur de la feuille qui me sert de support. Noir ou blanc. J'ai commencé par le blanc. Je prendrai une feuille noire pour la suite. L'effet est différent. Ensuite j'assemblerai feuilles blanches et noires. Peut-être en les découpant, peut-être pas.
La création artistique (quel mot prétentieux ! mais quel autre utiliser ?) s'apparente à la fois au jeu et à la découverte scientifique. C'est ce que je découvre en ce moment avec mes petites occupations créatives. On fait des hypothèses, on expérimente. On essaye des trucs, juste pour voir, pour s'amuser et pour le plaisir de faire, de passer le temps. On est curieux. On commence sans savoir où ça nous mène, on découvre des effets qu'on avait pas imaginé et qui nous entraînent un peu plus loin, ailleurs. On avance sans savoir à quoi on va aboutir. On s'engage juste sur un chemin qui amène à des carrefours, où on fait un choix de direction, et puis on arrive à d'autres croisements, et on fait d'autres choix, etc. Le chemin ne s'arrête jamais. Où alors on peut faire une pause et reprendre la route plus tard.
Comme l'a dit quelqu'un, la peinture n'est jamais finie. Elle s'arrête juste dans des endroits interessants. L'erreur et le hasard ont leur place dans ce cheminement. Et apportent autant sinon plus que la maîtrise totale.
Une autre chose que je découvre en ce moment c'est qu'on ne fait pas les choses en s'inspirant de certaines influences. On fait les choses. Et seulement ensuite en les analysant on apprend quelles sont nos influences et sources d'inspiration. Des souvenirs ressurgissent, des associations d'idées viennent au grand jour. Et finalement ce qu'on a créé nous montre une image de nous même. De notre histoire, des images qui nous ont marqués. Des visions qui nous ont émues ou que nous avons trouvées belles.
Cela va même plus loin. Ce qu'on créée de toute pièce, et c'est particulièrement vrai de l'abstrait, donne une idée de notre mode de fonctionnement intellectuel.
Mes petits jeux créatifs m'emmenent dans des endroits où je ne pensais pas aller. C'est une forme d'exploration. J'y passe de plus en plus de temps. Au début c'était deux ou trois heures en soirée en famille devant la télévision. Mais je m'y absorbe de plus en plus et j'y prends de plus en plus plaisir.
Voyant que finalement je peux me passer de technique pure et que "l'art brut" (encore un bien grand mot ! Le mot Art est tellement dévoyé qu'il en devient ridicule et snob alors que c'est la chose la plus primitive au monde) est finalement ce qui semble me correspondre le mieux, je me demande quelle peut être ma motivation pour continuer à travailler (le mot est révélateur) le dessin.
La seule réponse qui me vient est "mieux voir et prendre plus de plaisir encore à voir". Car je n'ai pas de plaisir pour le moment dans le geste de dessiner d'observation.