J'ai visité dernièrement les trois salons suivants :

- salon du dessin - (Palais Brongniard)
- salon du dessin contemporain (Drawing Now) - (Carreau du Temple)
- salon de l'estampe et du dessin - (Grand Palais)

Et pour l'instant je n'ai parlé que du deuxième. C'est celui qui m'impressionne le moins par les techniques et c'est pourtant celui dont j'ai envie de parler le plus et c'est celui qui m'amène à me passionner dans des recherches sur les artistes. C'est assez paradoxal. Je me suis demandé pourquoi.

Ce qui m'intéresse dans le dessin contemporain, c'est l'explosion d'inventivité sur le plan des :

- sujets
- techniques d'expressions

J'ai déjà parlé du format et de son rôle et du changement de statut du dessin contemporain, qui devient oeuvre à part entière. C'est aussi cela que je trouve intéressant. Car pour moi le dessin est à la source, comme je l'ai dit précédemment.

Toute cette créativité est mise au service d'un approfondissement du contenu intellectuel des oeuvres. Là où les anciens dessinaient des paysages, des personnages, des milieux, des émotions, les artistes modernes se sentent libres de dessiner des concepts, parfois très complexes.

Cette intellectualisation de l'Art contemporain fait sa qualité et elle est la source de ses travers, qui le rendent parfois hermétique, snob, fermé et creux.

Mais quand l'Idée est là et qu'elle sait associer tous les instruments adéquats pour la rendre visible, tout le vocabulaire de l'Artiste, le pari est réussi. Appeler et retenir l'attention, communiquer l'idée, partager l'émotion, provoquer le développement d'autres idées.

Il est certain que la perfection technique que j'ai admirée dans les autres salons et qui provoque une émotion esthétique n'est majoritairement pas présente. Par contre la diversité des sujets, leur profondeur, et la créativité mise en oeuvre provoquent chez moi une stimulation intellectuelle que finalement je recherche tout autant sinon plus.

Il y a bien au salon du dessin contemporain une émotion d'ordre esthétique mais elle est différente. Je la trouve surprenante. Quand je regarde un dessin à base de gribouillages dont les multiples traits évoquent des petites racines et dont l'amalgame représente à merveille de la terre, tout en produisant un effet lumineux par les vides laissés... c'est bien une émotion esthétique, mais complètement différente de celle que je ressens en regardant la perfection d'un portrait aux trois crayons.

Elle utilise un langage différent, chaque artiste étant libre de créer le sien. Bien sûr chacun n'a pas le talent de créer à chaque fois un nouveau langage, mais cet encouragement produit l'émergence de choses nouvelles et inventives, une sorte de bouillonnement qui part dans tous les sens, quelque chose de stimulant et d'extrêmement intéressant.

J'ai remarqué les mains de Mustapha Sedjal, brodées ou sur papier percé.

Ainsi s'achève mon petit aide-mémoire de Drawing Now 2014. Je suis bien entendue passée devant beaucoup d'artistes sans en percevoir la qualité. Nous avons tous une cécité et une acuité visuelle partielles, associées à une vision déformante. Notre regard personnel, mélange de notre projection intérieure et de notre vision du monde.

Ces particularités, qui entrent en contact avec celles de l'artiste au travers de la vision des oeuvres, produit quelque chose de nouveau. C'est une alchimie que je trouve passionnante. Tout comme la richesse de sens et d'émotion que peut receler un dessin.

Je me suis posée la question de savoir pourquoi j'aime particulièrement le dessin. Ces traces dans ce qu'elles ont de plus simple, du noir sur du blanc ou du blanc sur du noir. Je pense que la réponse est : ce que j'aime dans l'Art c'est l'Idée, un mélange de concept, d'émotion et de beauté.

Et la trace qui vient en premier et qui matérialise l'idée, celle qui est la plus directement produite et la plus spontanée, la plus simple dans le moyen et la plus pure dans le contenu, c'est le dessin.

J'ai noté le nom d'Anabelle Soriano, pour ces dessins, encore des histoires de plein et de vide, de lignes et de volumes.

J'ai remarqué les oeuvres de Franck Mujica, pour leur sujet et la technique employée : graphite sur toile. Cela rejoint ce que je disais à propos du statut du dessin contemporain, oeuvre à part entière. Et puis, rendre la lumière avec un outil qui trace en noir, c'est quelque chose de fascinant.

Après le Carreau du Temple, je me suis dirigée vers l'Espace Commines, pour FRESH, la section dédiée aux jeunes galeries. La fatigue se faisant sentir, mon oeil était beaucoup plus difficile à capter et conserver. J'ai parcouru cet espace assez vite.

J'ai pris note du nom de Mélanie Vincent, à propos de la technique de pirogravure. Je ne sais pas pourquoi mais la technique de la gravure, les pleins, les vides, le creux, le relief, sont des procédés qui m'intéressent.

Parfois chez un artiste, c'est un seul dessin qui retient mon attention, c'est le cas ici. J'ai regardé et je me souviens de ce dessin au graphite de Rob Matthews :

"Je suis née à Milan en Italie en 1963. Diplômée de l’institut d’art et de l’école de cinéma de Milan, j’ai commencé à 24 ans à publier des bandes dessinées et à travailler comme illustratrice pour des quotidiens, des magazines et des maisons d’édition. Depuis plusieurs années, j’illustre la section littérature de La Repubblica. Également designer, j’ai dessiné des tapis, des tissus et des objets pour plusieurs entreprises."

Pour l'univers, sa poésie, la technique, l'équilibre des compositions, l'harmonie et la douceur des formes et des couleurs, et surtout pour le plaisir, quelques dessins aux crayons de couleurs de Gabriella Giandelli

En passant devant les dessins de Nicola Toffolini j'ai mis un petit temps avant de comprendre que c'était une vue en coupe. La terre, sa surface, et la terre en profondeur, un enchevètrement de racines.

J'ai trouvé l'idée drôle et intéressante, c'est un choix de sujet original. Le site de Nicola Toffolini mérite une visite, pour sa technique de dessin, son style, ses choix de compositions, son univers, son point de vue et son humour.

Un aperçu de ses carnets :

Et de ses autres dessins :

La nature, sa beauté graphique, la vie qu'elle recèle, voilà un sujet plus léger et qui change agréablement des deux précédents.

J'ai déjà parlé de Steven C Harvey et de ses Véhicules extraordinaires à l'occasion du salon Drawing Now 2013. Cette année j'ai vu de lui encore des véhicules. Steven C. Harvey est né en 1967 à Stafford, Angleterre. Il vit et travaille à Athènes.

Les dessins de Steven C Harvey sont très pâles et très précis, très minutieux. Le crayon se pose doucement sur le papier et le colore à peine, avec une grande subtilité et beaucoup de précision, un grand luxe de détails minuscules.

C'est en faisant une recherche sur son nom que j'ai découvert une émouvante série de dessins de cet artiste consacrée à l'extrême vieillesse. On y retrouve l'alliance de délicatesse et d'originalité mordante de cet artiste, son univers fantastique et son imaginaire, sa vision personnelle, sa sensibilité, sa technique toute en nuances. Toutes choses qui font la qualité de ses dessins.

J'ai remarqué les dessins de Paul Pouvreau. Il choisit certaines images de l'actualité et les reproduit au stylo bille quatre couleurs sur des pages du quotidien Le Monde.

Ce qui m'a intéressée :

- le moyen utilisé : la superposition et la double profondeur de lecture et toutes les possibilités que cela ouvre