Vincent Van Gogh - Lettre à Théo - début aout 1878
"Ces jours-ci, j'ai fait un petit dessin d'après "Un dimanche matin" d'Emile Breton à la plume à l'encre et au crayon. Qu'elle est belle, l'oeuvre de celui-là !"
(un autre tableau d'Emile Breton)
15 11 1878
"Que de beautés nous offre l'art ! A condition de retenir ce qu'on a vu, on est jamais vide, ni vraiment solitaire, ni jamais seul."
Juin 1879
"Je ne connais pas encore de meilleure définition de "l'art" que celle-ci : l'art, c'est l'homme ajouté à la nature - la nature, la réalité, la vérité, dont l'artiste fait ressortir le sens, l'interprétation, le caractère ; qu'il exprime, qu'il dégage, qu'il démêle, qu'il libère, qu'il éclaircit."
15 octobre 1879
"Le sentiment de notre dignité dépend en grande partie de nos relations avec les autres.
un prisonnier qui serait condanné à la solitude s'en ressentirait à la longue, surtout si cet "à la longue" dure trop longtemps ; de même que celui qui souffrirait trop longtemps de la faim. Moi aussi j'ai besoin de relations amicales, affectueuses. Je ne suis pas une fontaine publique, ou un réverbère en pierre ou en fer ; je ne puis donc m'en passer, sous peine de vivre comme tout homme normal et instruit, avec une étrange sensation de vide, avec le sentiment qu'il me manque quelque chose.
Je te dis tout cela afin que tu comprennes quel bien ta visite m'a fait.
J'espère que nous ne deviendrons jamais des étrangers l'un pour l'autre.
Juillet 1880
"Je suis un homme à passions. Par exemple, j'ai une passion plus ou moins irrésistible pour les livres, et j'ai besoin de m'instruire continuellement, d'étudier, tout juste comme j'ai besoin de manger mon pain.
Lorsque j'étais dans un entourage de tableaux et de choses d'art, j'ai alors pris pour cet entourage là une violente passion, qui allait jusqu'à l'enthousiasme. Et je ne m'en repens pas. Et maintenant encore, loin du pays, j'ai souvent le mal du pays pour le pays des tableaux.
Au lieu de succomber au mal du pays, je me suis dit : le pays, ou la patrie est partout. Au lieu donc de me laisser aller au désespoir, j'ai pris le parti de mélancolie active, pour autant que j'avais la puissance d'activité, ou en d'autres termes j'ai préféré la mélancolie qui espère et qui aspire et qui cherche, à celle qui, morne et stagnante, désespère. J'ai donc étudié plus ou moins sérieusement les livres à ma portée."
"Si je ne fais rien, si je n'étudie pas, si je ne cherche plus, alors je suis perdu. Alors malheur à moi."
"Voilà comment j'envisage la chose : continuer, continuer, voilà ce qui est nécessaire. Mais quel est ton but définitif diras-tu ; ce but deviendra plus défini, se dessinera lentement et sûrement, comme le croquis devient esquisse, et l'esquisse tableau, au fur et à mesure qu'on travaille plus sérieusement, qu'on creuse davantage l'idée d'abord vague, la première pensée fugitive et passagère, à moins qu'elle devienne fixe."
"Tel a un grand foyer dans son âme et personne ne vient jamais s'y chauffer ; et les passants n'en aperçoivent qu'un petit peu de fumée en haut par la cheminée, et puis s'en vont leur chemin."
"Pourtant je suis bon à quelque chose, je me sens une raison d'être ! Je sais que je pourrais être un tout autre homme ! A quoi donc pourrais-je être utile, à quoi pourrais-je servir ! Il y a quelque chose au dedans de moi, qu'est-ce que c'est donc !"
"On ne sait toujours dire ce que c'est qui enferme, ce qui mure, ce qui semble enterrer, mais on sent pourtant je ne sais quelles barres, quelles grilles, des murs.
Sais-tu ce qui fait disparaître la prison, c'est toute affection profonde, sérieuse. Etre amis, être frères, aimer, cela ouvre la prison par puissance souveraine, par charme très puissant."
7 sept 1880
"Je ne saurais te dire combien Mr Tersteeg m'a réjoui en consentant à me laisser avoir un temps les exercices au fusain et le cours de dessin Bargue. J'ai travaillé sur les premières pendant à peu près une quinzaine de jours, du matin de fort bonne heure jusqu'au soir, et de jour en jour j'ai cru sentir que cela me fortifiait."
24 sept 1880
"Je ne saurais te dire combien, malgré que chaque jour il se présente et se présenteront encore de nouvelles difficultés, je ne saurais te dire combien je me sens heureux d'avoir repris le dessin. Depuis bien longtemps déjà cela me préoccupait, mais je considérais toujours la chose comme impossible et au dessus de ma portée. Mais maintenant, tout en sentant et ma faiblesse et ma dépendance pénible de bien des choses, j'ai retrouvé mon calme d'esprit, et l'énergie me revient de jour en jour."
Charles MERYON
"Il y a quelque chose de l'âme humaine là-dedans, c'est pour cette raison que ça est grand, immense, infini. Mettez à coté Viollet le Duc, cela est pierre, et Méryon, cela est esprit. Méryon aurait eu une telle puissance d'aimer que maintenant il aime les pierres même de certains endroits."
(Charles Méryon)
"Je ne sais pas encore ce qui me sera possible, toutefois j'espère bien encore faire quelque griffonnage où il pourrait y avoir quelque chose d'humain. Mais il faut d'abord dessiner les Bargue, et faire d'autres choses plus ou moins épineuses.
Le chemin est étroit, la porte est étroite, et il y en a peu qui la trouvent."
(Coal shoveler - 1879 - Van Gogh)
(Miners - 1880 - Van Gogh)