J'ai été très émue en voyant les calligraphies d'Hassan Massoudy sur la galerie Smaragdine ce matin. Une grande émotion comme j'en ressens parfois quand je rencontre les oeuvres d'un artiste qui me touche, comme quand j'avais rencontré les oeuvres d'Ernest Pignon Ernest, mais en plus doux, une émotion plus sereine et plus calme, comme les gestes de cet artiste et comme sa parole, qui renvoient à la philosophie orientale et à "l'unique trait de pinceau".
De voir ces calligraphies a ramené à ma mémoire une création que j'avais faite pour une amie tunisienne à l'occasion de la venue au monde de son premier enfant. J'avais demandé à une autre amie de langue arabe (libanaise) quel mot broder dans ces circonstances. Elle m'avait conseillé le mot "Mashallah" et m'en avait donné le dessin.
Ce mot n'a pas d'équivalent en français. Il signifie littéralement "ce que Dieu veut", ou "Dieu l'a voulu". Il exprime l'étonnement, l'admiration, l'émerveillement face à la grandeur ou la beauté de quelque chose. Il signifie que tel fait ou telle action vient de la providence divine. On l'utilise dans les moments de bonheur, pour la naissance d'un enfant, un mariage, pour une personne de grand coeur ou d'une grande beauté. C'est un moyen d'exprimer son admiration sans attirer pour autant des sentiments négatifs comme la jalousie (ou le mauvais oeil) pour ne pas porter préjudice à la personne qui bénéficie du bienfait de la providence. Je pense que ça a à voir avec la superstition, comme toucher du bois quand on dit qu'on est en bonne santé. J'aime la complexité de sens qu'il peut y avoir dans un seul mot.
La calligraphie exprime cette richesse de sens du signe, à la fois dans la forme de celui-ci et dans la façon de tracer la forme. Le geste et la trace laissée par le geste, le moment et sa continuité donnent toute leur profondeur à cette discipline. Cela me donne l'impression que le mot tracé est une note et que la trace est la note bleue (le silence qui suit la note).