La marcheuse

Ne te retourne pas

Sur le chemin où tu chemines
jour après jour, face au levant,
musardant ou ployant l’échine,
et parfois aux heures divines
cueillant la fleur et contemplant,
l’oeil attendri,
dans l’écrin de tes paumes unies
des étamines et des corolles
aux lignes rares, ou sages, ou folles,
sur ce chemin de tous les temps,
pour qu’en tes mains ouvertes en bol
où tu regardes en t’émouvant
ne se faufile, s’interposant,
l’image aux traits si dégrisants
des lendemains de fleurs d’antan,
ne te retourne pas

Sur le chemin qui se déroule
de par ton pas poussant ton pas
flanqué d’écarts un peu mabouls
dont tu te soûles
dès qu’ils sont parés d’une aura,
sur ce chemin où tu louvoies
à ton gré ou contre la houle
entre deux murs longeant ta voie,
sortes d’invisibles parois
tel un couloir à ciel ouvert
(bâbord, tribord semblant offerts)
sur ce chemin qui se déploie,
toi qui te crois libre et le clames,
fier d’un zigzag baptisé “choix”
et que tu choies comme on se came,
si tu ne te veux peine en l’âme,
ne te retourne pas.

Esther Granek, De la pensée aux mots, 1997

Sarah Marquis 

Comments

[Vale Decem]

Nos choix ont un prix.

[younder]

comme quoi on ne peut pas cumuler toutes les richesses....

[Vale Decem]

ça fait peur oui, mais c'est tellement agréable de marcher seule...

Ce qui m'a plu dans son livre c'est sa motivation : vivre en symbiose avec la Nature, expérimenter les possibilités de son corps et de son esprit en en repoussant les limites, et enfin exercer sa liberté. En tant que femme voyageant seule elle est constamment en recherche de sécurité et donc se cache autant que possible quand elle campe. C'est comme ça qu'elle peut échapper aux agressions. Elle dit que le plus grand danger vient des hommes plutôt que de la nature sauvage. Elle apprécie avant tout la solitude des grands espaces, la rencontre avec les animaux. Elle dit qu'il lui faut 6 mois de marche pour arriver à se vider l'esprit.

Voici comment elle introduit son récit :

"L'histoire qui suit est mon histoire. Je la dédie à toutes les femmes de par le monde qui luttent encore pour leur liberté et à celles qui l'ont obtenue mais qui ne l'utilisent pas. Mettez vos chaussures. On part marcher."

Elle marche dans le monde entier depuis plus de 20 ans, elle ne s'est pas mariée et n'a pas d'enfant.

[younder]

sacré nana ! je lui tire mon chapeau. Je serais incapable d'imaginer partir, même. La simple idée d'être seule me fiche une frousse incroyable. Pourtant, j'ai pensé un jour faire le chemin de compostelle si le vie me reservait un sale tour, faire ce chemin pour me retrouver.