La cible - fusain, pastel sur papier marouflé
« La victime a été tuée, elle ne peut être ressuscitée, il n’y a plus rien à faire. Reste à voir si notre intérêt peut s’éveiller, et par exemple si l’on peut en tirer un récit. Ce fut sans nul doute un triste événement, un très triste événement ; mais quant à nous, nous n’y pouvons rien. Dès lors, tirons le meilleur parti possible d’une mauvaise affaire ; et, comme il est impossible, fût-ce en la battant sur l’enclume, d’en rien tirer qui puisse servir une fin morale, traitons–la esthétiquement et voyons si de la sorte elle deviendra profitable. »
Thomas de Quincey, De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts
"Je suis restée longtemps avec cette idée de vouloir faire un corps allongé féminin en sculpture. Jusqu’à ce que je rencontre une vidéo amateur sur internet, d’une manifestante mise au sol et durement malmenée par des soldats, le 17 Décembre 2011, lors d’un rassemblement populaire cherchant à imposer la démocratie, sur la place Tahrir au Caire. L’image de cette « Fille au soutien gorge bleu » a fait le tour du monde, elle est devenue symbolique du mouvement insurrectionnel du peuple égyptien mais aussi du comportement agressif et du harcèlement sexuel masculin envers la femme lors de ces évènements (une soixantaine d’agressions en 4 jours). Le lien, entre ma préoccupation artistique et ce mauvais traitement, m’a en quelque sorte sauté aux yeux. Mettre en rapport la beauté, la sensualité, la fragilité d’un corps de femme, un thème classique dans l’histoire de l’art, et la violence que les sociétés peuvent exercer à tous les niveaux ouvertement ou non sur l’être humain, m’a paru coïncider avec mon souhait de construire un corps allongé, d’y trouver des résolutions formelles et d’en jouer, mais aussi tenter de l’adapter à notre monde d’aujourd’hui."
Françoise Vergier, Novembre 2014
La terre des paysans - fusain, pastel - 130 x 132 cm
La fille au soutien gorge bleu
Si la ville la campagne l'animal
Le voile de Véronique - fusain 70 x 70 cm
Françoise Vergier est née à Grignan en 1952, elle partage sa vie entre Paris et le sud de la France, dans un contexte rural. Septième enfant de parents paysans, Françoise Vergier est devenue sculpteur parce qu’elle est « fille de la terre » et son travail est infusé d’une nature toute autobiographique. « J’habite un magnifique paysage de campagne qui me fait songer au monde et à moi-même. Je considère la terre comme un corps vivant, doté d’une puissance de création et de renouvellement incessant. Cette énergie, les anciens l’avaient nommée la Grande Déesse. Elle est de principe féminin, les humains la possèdent tous en eux-mêmes. Mon travail réactive cette réalité divinisée en des temps très anciens. Petit à petit, au fil du temps, elle fut écartée par des valeurs patriarcales que nous vivons.